Vendredi 28 juillet 2017
Quelques mots pour vous prévenir que le rythme infernal des publications qui alimentent cette chronique va connaître une pause de deux ou trois semaines, vacances obligent…
Mais je vous préviens, j’ai plein d’autres idées en gestation…
Vendredi 21 juillet 2017
Quelques mots pour vous prévenir que le rythme infernal des publications qui alimentent cette chronique va connaître une pause de deux ou trois semaines, vacances obligent…
Mais je vous préviens, j’ai plein d’autres idées en gestation…
Vendredi 21 juillet 2017
Profession : promeneur.
Pour changer des
anglo-saxons, je vous propose quelques lignes sur Pierre Barouh, auteur,
compositeur, interprète, acteur, producteur, journaliste sportif, joueur de
volley-ball… Et promeneur.
Le père d’Élie Barouh, son
nom de naissance, est juif originaire de Turquie. Avec ses frères, il vend des
tissus sur les marchés de Levallois-Perret. Arrive la Seconde Guerre mondiale,
Élie devient Pierre et est caché dans une famille en Vendée. Son frère Claude
et sa sœur Estelle également, dans d’autres villages pas loin, ils ne se
verront pas pendant la guerre. C’est de ces années à la campagne qu’il puisera
l’inspiration pour écrire les paroles de « La bicyclette »,
« Des ronds dans l’eau ».
Allez, je fais ma première
digression, j’ai envie de me promener à bicyclette. Un parfum de chemin creux,
une musique écrite par Francis Lai, accordéoniste niçois (qui deviendra
compositeur de nombreuses musiques de film, “Love story”, c’est lui)… Pierre
Barouh est marié avec Anouk Aimée (oui, l’Anouk Aimée de « Un homme et une femme »,
mais ça c’est une autre histoire). Ils sont à Saint-Paul-de-Vence, en 1966,
chez Yves Montand, ils jouent au poker et à la pétanque. Yves Montand, s’il a
commencé par la chanson, est devenu acteur, et il ne fait plus que quelques
passages épisodiques sur scène. Après le repas, Pierre Barouh chante « À bicyclette »
(le titre original, qui sera modifié par la suite en « La
bicyclette »). Au départ, la fin n’était pas la même : le récitant
revenait « avec femme et enfant sur les traces du fantôme de
Paulette » (Pierre Barouh, lors d’une interview). Montand suggère à Pierre
Barouh de modifier la fin, pour en faire une sorte de petit film qui
commencerait le matin et qui finirait le soir. Quand Yves Montand l’enregistre,
il commet une erreur sur les paroles. Au lieu de « on revenait fourbus,
contents, le cœur un peu vague pourtant de ne pas être un seul instant avec
Paulette ». Or le texte de Pierre Barouh était « de n’être pas seul un instant ». Montand corrigera son erreur lors des interprétations
en public. Et Pierre Barouh écrit « sur une inversion de mots, l’image
devient dix fois moins forte. Elle se réduit tout d’un coup, et je trouve ça
fascinant. ». Curieusement, Montand n’est pas le seul à faire cette
erreur, on peut écouter ici. Cette
chanson est entrée dans notre mémoire collective, nous la (re)connaissons, nous
la fredonnons. Fait rare pour une chanson devenue culte, elle a une mélodie
complexe et il est très difficile de la chanter a capella. Le disque sort en 45 tours en mai 1968, à une
époque où « les gens n’avaient plus de voiture […]. Ça sort en mai 68,
quand il n’y a plus d’essence en France. Mai 68. Si je paye un attaché de
presse des millions, il ne me fera jamais une pub comme celle-là » (Pierre
Barouh, lors d’une interview). Les interprétations de Montand sont restées
célèbres. Pierre Barouh l’a également chantée de nombreuses fois. À noter
l’adaptation pour guitare faite par Roland Dyens, premier
opus de deux disques de chansons françaises (entre autres « Cécile ma fille »,
« La javanaise »…).
À la fin de la guerre, il a
quatorze ans et il passe par hasard dans un petit cinéma qui joue « Les visiteurs du soir ». Il décrit
ça comme une déflagration. Lui qui était un cancre à l’école, il se met à lire
et découvre de nombreux auteurs. Il avait décidé de ne rien faire jusqu’à ses
trente ans, mais il est tour à tour joueur de volley-ball de l’équipe de France
pendant son service militaire, portier de nuit à Oslo, journaliste sportif
(passionné de tennis, squash, rugby, billard…), assistant metteur en scène sur
les premiers fils de Georges Lautner, acteur au théâtre et au cinéma… Il se
décrit lui-même comme un promeneur, et c’est la profession qui figure sur son
premier passeport d’adolescent.
En 1959, il part au
Portugal et il rencontre le musicien brésilien Sivuca (auteur entre autres de
la musique de « João et Maria »,
texte de Chico Buarque, ici chanté en portugais et en français par Bïa).
L’époque, c’est celle de la naissance de la Bossa Nova, João Gilberto, Antônio
Carlos Jobim, Vinícius de Moraes… Il joue et chante dans un café où il
rencontre un directeur de compagnie de navigation. Il obtient un emploi dans un
cargo partant pour le Brésil (le prix des billets d’avion était totalement
inaccessible à cette époque). Il sillonne Rio de Janeiro sans rencontrer ceux
qu’il cherche. De retour à Paris, à Saint-Germain-des-Prés, il chante à des
amis une chanson que lui a apprise Sivuca. Des brésiliens, surpris qu’un
français connaisse aussi bien cette chanson, viennent à sa table, l’invitent
chez eux, et lui font rencontrer Vinícius de Moraes et Baden Powell… Il les
avait cherchés à Rio, ils étaient à Paris !
Nous sommes en 1965. Claude
Lelouch lui a proposé le rôle de Pierre Gauthier dans « Un homme et une
femme », l’ex-mari décédé d’Anne Gauthier (tenu par Anouk Aimé). En
attendant que Claude Lelouch débute son tournage, il s’échappe au Brésil où on
lui a proposé de tourner un film comme acteur, à Itaipu, non loin de Rio. Il
s’y attarde, sympathise avec les pêcheurs du pays. Il passe ses dimanches avec
Baden Powell et Vinícius de Moraes. Les deux compères lui demandent d’adapter
en français leur « Samba da bênção »
(musique de Baden Powell, paroles de Vinícius de Moraes). Juste avant de
revenir en France pour le tournage avec Lelouch, il enregistre une prise de son
adaptation, « Samba saravah ». Il rentre à Paris à quatre jours du début du tournage et
fait écouter son enregistrement à Claude Lelouch qui change le scénario pour
l’intégrer dans le film. Ça devient la scène de la samba.
Rien ne va se passer comme
prévu lors de ce tournage. Déjà, le budget fait défaut et Claude Lelouch interrompt
le tournage le temps de trouver les fonds nécessaires. Pierre Barouh démarche
les éditeurs de disque pour obtenir une avance sur les droits d’édition,
ramener l’argent à Lelouch et lui permettre de finir le film. Tous lui rient au
nez : Pierre Barouh n’est pas une vedette. De la musique aux sonorités
brésiliennes, ça n’est pas vendeur. Francis Lai n’est qu’un petit accordéoniste
niçois. Et le dernier Lelouch (Les grands
moments) était un échec. Par jeu et par défi, Pierre Barouh décide d’éditer
lui-même et crée son label, Saravah. Cinquante ans plus tard, la maison de
disques existe encore, et c’est le plus vieux label français en activité… Comme
le dit Pierre Barouh, « Le label Saravah n’est pas né du succès du film
mais de son “insuccès supposé” ».
Ça commençait mal, mais ça va
bien se terminer. Le film Un homme et une
femme, inscrit au dernier moment au festival de Cannes, remporte la Palme
d’or du Festival de Cannes 1966 (ex
aequo avec Ces messieurs dames de
Pietro Germi), deux Oscar et trois Golden Globe. La chanson phare, « Un
homme et une femme » restera dans toutes les mémoires comme celle des chabadabada, où Pierre Barouh chante en
duo avec Nicole Croisile. C’est en réalité Comme
nos voix ba da ba da, da ba da ba da.
Elle figure dans trois versions différentes dans le film : sans les paroles, avec les paroles, et sans les
paroles en version accélérée.
Il existe une adaptation en anglais par Jerry Keller, chantée entre autres par Engelbert
Humperdinck. Le titre, je vous le donne en mille, “A man and a woman”. Encore plus
incroyable, une adaptation en espagnol par Don Diego, chantée par Los 3 Sudamericanos ayant pour
titre « Un hombre y una mujer ». Et pareil en portugais, finnois, allemand, japonais,
suédois…)
Le label Saravah démarre en
flèche. Il accueillera Jacques Higelin, que Pierre avait entendu jouer du banjo
sur la butte Montmartre, et ses amis Brigitte Fontaine et Areski Belkacem. Et
plein d’autres, chats perdus, anachroniques, chanteurs, musiciens de jazz, et World music alors que le terme est à
peine inventé. C’est ainsi qu’il fait se rencontrer Pierre Akendengue,
auteur-compositeur interprète et guitariste gabonais, et Naná Vasconcelos,
percussionniste brésilien. David McNeil enregistre « Hollywood », qui sera repris
par Yves Montand, et « Le bateau mouche », repris
par Alain Souchon. Maurane enregistre « Une petite chanson d’amour ». Pierre Barouh dit :
« j’ai toujours été disponible à la reconnaissance du talent des
autres » (lors d’une interview). Au-delà des artistes à qui Saravah et
Pierre Barouh ont permis de s’exprimer, cette maison d’édition originale a
aussi été un formidable outil de brassage des cultures. Hélas, certaines
personnes et certains artistes ne se sont pas bien comportés vis-à-vis des
éditions et de Pierre Barouh. À commencer par un ami d’enfance de Pierre, à qui
il avait confié la gestion de Saravah, et qui a détourné une grande quantité
d’argent, ce qui a bien failli mettre fin à l’aventure. Dans ses interviews, on
ne ressent pas d’amertume de la part de Pierre. Il dit « pour certains
artistes, j’étais le mauvais témoin […] j’ai ouvert ma porte à des gens à une
période de leur vie où personne n’avait posé une oreille sur ce qu’ils
faisaient ». Heureusement pour beaucoup d’artistes la séparation s’est
faite sans malentendu et ils sont restés amis avec l’éditeur. « Je parle
peu du négatif car le positif l’emporte sur le négatif » (Pierre Barouh,
lors d’une interview).
Je fais une nouvelle digression pour parler d’une artiste que j’aime
beaucoup et qui a également été éditée par Saravah, Bïa Krieger. Elle chante en
français des titres du Brésil, « A noite do meu bem », de Dolores Duran, devient « La nuit de mon amour » (l’adaptation est de Pierre
Barouh). « Apelo », de Baden Powell et Vinícius de Moraes, devient
« Appel »
(l’adaptation est de Bïa Krieger). Elle adapte en portugais des chansons
françaises. « L’eau à la bouche », de Alain Goraguer et Serge Gainsbourg devient « Água na boca ».
Elle chante en français, portugais, espagnol, anglais, italien… Et elle compose
ses propres chansons, paroles et musiques, par exemple « Un million d’étoiles »,
« Les mûres sauvages »…
Elle chante en duo avec Yves Duteil « Vivre sans vivre »,
qui est une adaptation de « Samba em prelúdio »,
de Baden Powell et Vinícius de Moraes. On sent dans la musique de cette chanson
la forte influence qu’a eu Johann Sebastian Bach sur Baden Powell. Bïa est
originaire du Brésil, a voyagé au Chili, Pérou, Portugal… Elle partage
actuellement sa vie entre le Québec et la France.
Revenons à Pierre Barouh.
En 1969, il réalise ce que certains appelleront un documentaire mais qui
est selon beaucoup un document. En toute simplicité, en trois jours, avec une
caméra au milieu des musiciens, Pierre Barouh nous fait entrer dans le monde de
la musique brésilienne. Il y a le monstre sacré, Alfredo da Rocha Viana, connu
sous le pseudonyme de Pixinguinha
(ici avec Baden Powell interprétant « Lamento », musique de Pixinguinha
et paroles de Vinícius de Moraes). Les documents filmés sur ce compositeur
prolifique sont très rares. Il y a Baden Powell bien sûr, c’est en quelque sorte lui le relais entre Pierre et le
monde musical. Maria Bethânia,
la sœur de Caetano Veloso, en est au début de sa carrière (elle a vingt-trois
ans). Paulinho da Viola, João
da Baiana (le joueur d’assiette), Raúl de Souza et tant d’autres. Il y a
l’ancien et le nouveau monde, ceux qui étaient en place et ceux qui seront la
musique brésilienne des années qui suivront. J’ai découvert que Maria Bethânia
savait jouer de la guitare. Avec Raúl de Souza
au trombone et Luiz Carlos Vinhas au piano, elle interprète une très
jolie chanson de Edu Lobo, et Torquato Neto, « Pra dizer adeus ». Ils sont
ensemble, ils mangent, ils boivent une bière, ils discutent, ils jouent et ils
chantent.
En 1985, sa rencontre
avec Oscar Castro, homme de théâtre chilien, débouchera sur une collaboration
de plusieurs années, le Théâtre Aleph.
À cette occasion, Pierre Barouh réalise un documentaire qui passe sur
Antenne 2 à l’émission de Noël Mamère, Résistance. C’est à cette occasion
qu’il enregistre « Le kabaret de la dernière chance », qui termine ce documentaire. Montand
entend parler de cette chanson et appelle Pierre Barouh. À cette époque, Yves
Montand préparait une nouvelle série de récitals à Bercy, prévue pour
mai 1992. Ils se donnent rendez-vous place Dauphine chez Montand le
mercredi 13 novembre 1991 à 11 heures du matin pour
travailler sur la chanson. Hélas cette rencontre n’aura pas lieu puisque Yves
Montand meurt le lundi 11 novembre 1991, et qu’il sera enterré…
Le mercredi 13 novembre à 11 heures du matin… En 1997
paraitra un disque posthume de Montand, « Plaisirs inédits »
rassemblant des chansons et des textes lus non endisqués jusque-là. Le premier
titre, c’est « Le kabaret de la dernière chance », en quelque sorte une version de
travail pour son spectacle de Bercy. La musique est d’Anita Vallejo (la première
épouse d’Oscar Castro), pianiste et compositrice chilienne, également associée
à Pierre Barouh dans les chansons « L’horaire et le temps »,
ici reprise par Bïa Krieger, et dans les autres titres de l’album Au kabaret de la dernière chance.
Il faut bien terminer cette
promenade en compagnie de Pierre Barouh, et un voyage au Japon s’impose. Il
découvre le Japon en 1982 en participant à des projets musicaux. Il le
raconte dans une interview, il a tenté de faire abstraction de ses préjugés,
sans y parvenir. Et surtout, il a été sidéré par la capacité de travail des
japonais. « Vous prenez un japonais qui est fou de flamenco, il va en
savoir dix fois plus qu’un mec qui est né à Séville ». Selon Pierre Barouh,
« Ils (les japonais) ont les pieds dans les racines et la tête dans le
XXIIe siècle ». Je l’ignorais totalement, mais le Brésil est le
pays qui accueille le plus de japonais émigrés. Certains sont retournés au
Japon. C’est ce qui explique l’omniprésence de la musique brésilienne au Japon.
Sa dernière épouse est japonaise, et ils ont eu ensemble une fille, Maïa, qui
est auteur-compositeur interprète et flutiste.
Voilà, cette chronique est un
peu tentaculaire, et elle est loin d’avoir fait le tour du bonhomme, que l’on
retrouve dans de nombreuses autres aventures. Par exemple, il a adapté avec Danyel
Gérard une chanson de Chuck Berry, “Memphis Tennessee”.
L’adaptation est chantée par Alain Souchon. Homme de théâtre, il a réalisé des
spectacles. Il a vécu de rencontres qui ont changé sa vie, et il a lui aussi
changé la vie de nombreuses personnes avec qui il a travaillé, produit, écouté
ou côtoyé.
Mercredi 19 juillet 2017
Une demeure hantée par le fantôme de
Chopin.
Je vous propose une promenade
dans le Val-d’Oise, dans le parc naturel du Vexin, à quelques kilomètres de
Cergy-Pontoise. Au cours de la promenade, je fais une halte à Hérouville, son église,
sa mairie, et son château. Nous y sommes, le château d’Hérouville. Le lieu a du
cachet, et il date du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, il a
servi de relai de poste. Frédéric Chopin et Georges Sand y auraient séjourné.
En 1962, Michel Magne, compositeur incontournable de musiques de films (et
du générique de la célèbre émission « Cinq colonnes à la une »)
en fait l’acquisition avec un ami peintre, Jean-Claude Dragomir, pour l’habiter
et y travailler. Il y installe une salle de musique avec piano à queue, orgue
électronique, instruments de musique, tout ce qu’il faut pour y travailler.
En 1969, un incendie
ravage la salle de musique. Michel Magne se lance dans des travaux pour aménager
un studio d’enregistrement. Il crée en France le concept du studio
résidentiel : les musiciens peuvent y travailler, enregistrer, s’y
restaurer et y dormir. Gîte, couvert et musique. Au départ, le monde de la
musique était septique. Michel Magne raconte « À Paris, on me disait que personne ne ferait 30 kilomètres pour
venir enregistrer en rase campagne. Puis les gens ont vu que les groupes
américains traversaient l’Atlantique, alors... ».
Le bouche à oreille
fonctionne, la mayonnaise prend, et des musiciens viennent de partout. Pour
n’en citer que quelques-uns, les Bee Gees enregistrent en 1977 “Stayin’ alive”, “How deep is your love”,
et les autres titres de la bande originale du film “Saturday night feever”.
En 1973,
Elton John enregistre “Goodbye yellow brick road”, “Don’t shot me I’m the only piano player”. Le matin, Elton John et son
parolier Bernie Taupin écrivent une chanson. Ils enregistrent entre midi et
quatre heures, puis Elton John roule vers Paris pour voir son ami Yves Saint
Laurent. Il revient avec des pantalons et des chemises, et il écoute le mixage
dans la nuit. On peut trouver quelques vidéos sur le sujet, ici ou là. Le groupe Grateful Dead donne un concert au château en 1971. C’est un concert improvisé, ils
se sont réfugiés là-bas à cause de la pluie qui tombait sur le lieu prévu
initialement.
Les artistes français ne sont
pas en reste. En 1971, Eddy Mitchell enregistre avec le groupe Magma quelques pistes de
son album « Zig-zag », entre autres « La nuit des
maudits », « Le vaudou », « Stop », « Résurrection ». Jacques Higelin enregistre « Champagne pour tout le monde » et « Caviar pour les autres », incluant
des bruits d’oiseaux et de crapauds du château. Alan Stivell enregistre son
disque « Chemins de terre ». Charlélie Couture enregistre « Pochette surprise ».
Le château comptera jusqu’à
quinze salariés à plein temps, femmes de ménage, cuisiniers, jardiniers,
ingénieurs du son… Michel Magne n’a pas l’âme d’un gestionnaire. Il tente de
s’échapper de l’affaire qui s’emballe. Mais les dettes et les procédures lui
courent après. Le 19 décembre 1984, Michel Magne prend une chambre
dans un hôtel avec vue sur le château. Il a mis de côté les traitements qui lui
ont été donnés lors de son hospitalisation en psychiatrie. Il a préparé un
dossier complet expliquant pourquoi et comment il se sent floué de ses droits
sur le château. Et il se suicide en avalant ses comprimés, le regard tourné
vers le château…
Il y a eu de nombreuses
tentatives de reprises du château, pour en faire un complexe hôtelier, ou un
domaine hippique. En 2015, le château est racheté par un collectif pour le
réaménager en studio d’enregistrement. Qui sait, de nouvelles pages de
l’histoire de la musique vont-elles s’écrire dans ce château ?
Lundi 17 juillet 2017
Toute une collection de chansons.
Aujourd’hui,
je suis bien ennuyé, parce que j’ai envie d’écrire sur plusieurs sujets. Alors
j’ai choisi un sujet multiple. Je vous propose un parcours de 1962
à 1968. Et ce parcours débouche sur une chanson qu’il faut deviner (mais
ça ne devrait pas être trop dur).
Première
étape, une chanteuse toute jeune, elle va bientôt avoir dix-neuf ans, et elle
chante un tube qui sera classé n° 1 aux États-Unis. De son vrai nom Eva
Narcissus Boyd, on la surnommera “Little Eva”. Avant d’être chanteuse,
elle travaillait comme femme de chambre, et arrondissait ses fins de mois en
faisant du babysitting pour… Carole King. Elle fait quelques chœurs dans
un groupe, The Cookies, qui seront un temps les choristes de Ray Charles.
Carole King lui demande de chanter sur une démo d’une chanson écrite pour un
groupe. Eva s’en sort si bien que c’est elle qui enregistrera le titre, “The Loco-Motion”. Ce morceau va traverser les années, et refera un hit
avec le groupe Grand Funk Railroad en 1974. Et il y aura
récidive avec Kylie Minogue en 1987. Même l’adaptation (par
Georges Aber) pour Sylvie Vartan, « Le locomotion »,
sera classée numéro un en France.
On passe à
la deuxième chanson, en 1964. Elle commence par un accord terrible, un accord
qui fait qu’on reconnaît cette chanson… Dès le premier accord. C’est un tube
des Beatles, vous l’avez trouvé, il s’agit de “A hard day’s night”. Ce premier accord est longtemps resté un
casse-tête. Georges Harrison, même avec une guitare douze cordes, ne pouvait
pas faire ça tout seul. En même temps, John Lennon et Paul McCartney plaquent
chacun un accord différent sur leur guitare, et George Martin joue un accord de
piano. Ça fait longtemps qu’on sait tout des Beatles : la chanson a été
écrite par John Lennon et Paul McCartney, à la suite d’un bon mot involontaire
de Ringo Starr. Sortant d’une longue séance d’enregistrement, le batteur avait
déclaré “It’s been a hard day”, et s’apercevant qu’il faisait nuit, avait
ajouté “s’night”. Ça deviendra le titre de la chanson et le titre du film
éponyme.
On reste en
1964 et on passe à la troisième chanson. Je viens de parler des Beatles, un
petit mot sur un groupe de la même époque, The Beach Boys. À cette époque, la
presse tentait de faire croire à des rivalités entre les groupes. En réalité,
ceux-ci étaient souvent amis, faisaient des voyages ensemble, échangeaient des
idées. On devrait parler d’émulation, au bon sens du terme, plutôt que de
rivalité ou même de concurrence. Eh bien, le premier titre des Beach Boys qui
fut classé numéro un aux Etats-Unis, c’est “I get around”. Encore un bon morceau, parfaitement interprété, et je
l’écoute toujours avec plaisir. Il n’y a pas tant de reprises que ça, mais en
voici une qui m’a surpris : celle des Red Hot Chili Peppers. Il existe une adaptation en français, par
Martin Circus en 1975, « Bye-bye Cherry ».
Toujours
en 1964, mais en Irlande du Nord. Le groupe s’appelle Them, le chanteur
Van Morrisson, le lead guitar Jimmy Page, et le morceau “Gloria”.
Il s’agit d’un succès indémodable, repris un nombre incalculable de fois par un
nombre incalculable de musiciens et de chanteurs. Tous les guitaristes qui ont
un jour voulu jouer du rock ont joué ce morceau.
On avance,
nous sommes en 1965. On reste dans le morceau mythique chanté par un groupe
mythique. Keith Richards a une inspiration nocturne, Mick Jagger y ajoute des
paroles. Ça donne une chanson qu’on reconnaît du premier coup d’oreille, “(I can’t get no) Satisfaction”. Mick Jagger dira que c’est la
chanson qui a vraiment fait “The Rolling Stone”, qui les a transformé de “just
another band into a huge, monster band”. On compte des centaines de reprises de
cette chanson. La plus connue est probablement celle de Otis Redding, mais un grand nombre d’artistes ou de groupes l’ont mise à
leur répertoire ou l’ont chanté en public. Il existe une reprise en français,
en 1965, paroles de Claude Moine « Rien qu’un seul mot (Satisfaction) » (c’est la seule vidéo que j’ai
trouvée, un karaoké).
Nous sommes
toujours en 1965. Robert Zimmerman n’a pas encore reçu le prix Nobel, mais il
est connu dans le monde entier. Il en est à son cinquième album “Bringing it
all back home”, et il chante “Mr. Tambourine man”. Il en existe des centaines d’interprétations, dont
de nombreuses par Dylan lui-même. Cette chanson avait même été chantée par “The Byrds” avant même la sortie de l’album de Dylan. Il existe également
de nombreuses interprétations des paroles. Certains y voient l’évocation d’un
voyage à base de substances stupéfiantes :
Take me on a trip upon
Your magic swirlin’ ship,
My senses have been stripped,
My hands can’t feel to grip,
(Emmène moi faire un tour avec toi sur
Ton magique bateau tournoyant
Mes sens m’ont été enlevés,
Mes mains ne peuvent agripper)
D’autres pensent qu’elle évoque les muses de
la poésie et de la musique. Tous les « Dylanologues » ont donné leur
avis. Dylan a parlé de l’influence du film « La strada » de Federico
Fellini, ou d’Arthur Rimbaud, mais également du musicien Bruce Langhorne, qui
jouait d’un très grand tambour. Hugues Aufray et Pierre Delanoë écrivent une
adaptation pour Hugues Aufray, « L’homme orchestre ». Hugues Aufray reviendra sur les paroles quelques
années plus tard et écrira une nouvelle version.
Les années
défilent, nous sommes en 1967. Trois frères, nés sur l’île de Man et
immigrés en Australie doivent faire un choix : soit ils deviennent
chanteurs, soit ils deviennent voyous. Fort heureusement pour nous, ils ont
choisi la première option. Barry et les jumeaux Robin et Maurice Gibb, après avoir plusieurs fois changé le nom de leur groupe, forment les Bee Gees (les “BG”, prononcés à l’anglaise, pour “Brothers Gibbs”). C’est en 1967, en partie grâce à leur
imprésario Robert Stigwood (qui était également celui de quatre garçons dans le
vent), qu’ils sortent un de leurs titres phare “(The lights went out in) Massachusetts”. Il y a une idée de retour aux sources,
retrouver ses racines, rentrer à la maison :
Feel I’m
goin’ back to Massachusetts,
Something’s
telling me I must go home.
And the
lights all went out in Massachusetts
The day I
left her standing on her own.
(Je sens que
je vais retourner au Massachusetts,
Quelque
chose me dit que je dois rentrer à la maison.
Et les
lumières allaient toutes dans le Massachusetts
Le jour où je
l’ai laissée seule.)
Pourquoi au Massachusetts, alors qu’ils n’y ont
jamais mis les pieds ? Parce que le son et l’idée leur plaisaient. Après
avoir vainement tenté de refiler ce titre à un autre groupe, les trois frangins
décident de l’enregistrer eux-mêmes. Ça donne un des tubes les plus vendu de
tous les temps (plus de cinq millions d’exemplaires). Gilles Thibaut écrira
pour Claude François une adaptation, « La plus belle chose du monde ».
Petit retour en arrière, en 1966. L’auteur est
un britannique guitariste auteur compositeur interprète du nom de Donovan
Philip Leitch, ami des Beatles et des Rolling stones. Ensemble, ils jouent de
la musique et discutent de spiritualité. C’est ainsi que Donovan passe du
statut de guitariste folk « sous-Bob Dylan » au “flower power”. Les
paroles de son titre très connu “Mellow yellow”
sont assez mystérieuses, et plutôt que de faire le tour de toutes les
interprétations proposées, j’ai cherché le point de vue de l’auteur : être
cool décontracté, être dans un état de « coolitude ». Quant aux
“electric banana”, il ne s’agissait pas de rechercher des effets hallucinogènes
de la peau de banane, mais des vibromasseurs…
Il reste un petit voyage à effectuer dans la chanson
de cette époque. Nous sommes en 1965, un groupe de rock américain rivalise avec
les succès commerciaux des groupes britaniques, “The mamas and the papas” (ils ne
sont pas nombreux, les autres étant “The Byrds”, et bien sûr “The beach boys”,
qui reprendront d’ailleurs cette chanson). Le couple mythique du groupe, John
et Michelle Philips, ont écrit une chanson en 1963 dont le premier interprète
était Barry McGuire. L’inspiration, c’est le mal du pays. Ils sont à New York
en hiver et Michelle aimerait revoir sa Californie chérie. On obtient un succès
phénoménal, “California dreamin’”. De nombreuses reprises
existent, et cette chanson a été utilisée comme musique de plusieurs films.
Elle est devenue en quelque sorte un symbole du “California sound” et de la
contre-culture des années 1960, dans laquelle on peut fourrer pêle-mêle le
refus de la guerre du Viet-Nam, l’évolution des mœurs sexuelles et le droit des
femmes, le refus de l’autorité, l’usage des drogues, une nouvelle
interprétation du rêve américain, les relations inter-raciales, la montée de la
culture hippie…
Et c’est vrai que cette chanson a un son, une
ambiance particulière. Un groupe qui chante ensemble, un bon son de guitare, un
solo de flûte (joué par un saxophoniste flûtiste de jazz, Bud Shank)… Pierre
Delanoë écrira une adaptation en français pour Richard Anthony, dont les
paroles n’ont rien à voir avec l’original, « La terre promise ».
Voili voilà, cette promenade musicale se termine.
En 1977, Laurent Voulzy (pour la musique) et Alain Souchon (pour les paroles)
rassembleront toutes ces chansons dans une seule, réalisant une « Rockollection ».
Mais ça, je suppose que vous l’aviez deviné…
Jackson Carey
Frank, le blues a fini par gagner le jeu.
Jackson Carey Frank (généralement crédité “Jackson C.
Frank”) est né en 1943 aux États-Unis (Buffalo, état de New York). Il manque
de mourir à 11 ans lors de l’explosion d’une chaudière pendant une classe
de musique. Il sera brûlé et traumatisé. C’est lors de sa convalescence qu’il
se met à la guitare. À 21 ans, il touche une forte somme d’argent en
dédommagement de son accident et part s’installer à Londres. Il est repéré par
Paul Simon qui lui fait enregistrer un disque, non sans difficultés :
d’une timidité maladive, le bonhomme refuse de jouer quand on le regarde. Il
faudra installer des écrans pour le cacher, et certaines pistes seront
enregistrées en lui faisant croire qu’il s’agissait d’essais de prise de son.
Pendant l’enregistrement, une certaine Sandy Denny joue du tambourin (non
créditée). Jackson Carey Frank a eu une aventure avec Sandy Denny. C’est lui
qui la persuadera d’abandonner sa profession d’infirmière pour se consacrer à
la chanson. La chanson la plus connue de Sandy Denny, c’est “Who knows where the time goes ?”, mais elle aura aussi beaucoup de succès
en reprenant “Milk and honey”, de celui qui était à l’époque
son ex-boyfriend.
Revenons à Jackson Carey Frank. Son titre phare,
c’est “Blues run the game”. Une belle voix, simple, un
bon jeu de guitare, et des paroles désespérantes comme un bon blues :
Catch a boat to England,
baby
Maybe to Spain
Wherever I have gone
[...]
The blues are all the
same
(Que je prenne un bateau
pour l’Angleterre
Peut-être pour l’Espagne
Où que je sois allé
C’est le même blues)
When I’m not drinking,
baby
You are on my mind
When I’m not sleeping,
honey
When I ain’t sleeping,
mama
When I’m not sleeping
You know you’ll find me
crying
(Quand je ne suis pas en
train de boire, bébé
Je pense à toi
Quand je ne suis pas en
train de dormir [...]
Tu sais que je suis en
train de pleurer)
Cette chanson aura un succès phénoménal, et sera
reprise par de nombreux artistes, Simon and Garfunkel, Ben Jarch, Sandy Denny,
Nick Drake... Elle continue à intéresser les jeunes, pour preuve cette interprétation
de deux sœurs, Jenny et Kay Berkel.
La vie de Jackson Carey Frank est également digne
d’un blues triste (pléonasme ?). Après le succès phénoménal de son album,
il n’arrivera pas à proposer une suite. Il part à Woodstock, se marie, a un
enfant qui meurt de mucoviscidose. Il sombrera dans la dépression et
l’alcoolisme. À la suite d’une agression, il perd un œil. Il sera retrouvé par
un fan alors qu’il est clochard à New York, et il meurt d’une pneumonie à
56 ans. Mais son œuvre aura marqué les musiciens de son époque.
Il existe une très belle adaptation de cette chanson par Graeme Allwright : « Je perds ou bien je gagne ».
Il existe une très belle adaptation de cette chanson par Graeme Allwright : « Je perds ou bien je gagne ».
Lundi 10 juillet 2017
Elle est partie en pleurant…
Aujourd’hui je vous raconte une histoire qui commence bien et qui finit mal. Et on s’écarte de la musique anglo-saxone pour aller faire un tour en Amérique du Sud.
Il était une fois un groupe
bolivien formé par des frères, Gonzalo, Élmer et Ulises Hermosa González. Guitaristes, chanteurs, compositeur, ils débutent
en 1965. En 1981, ils sortent un joli morceau de musique bolivienne (ou
andine), « Llorando se fue » (elle est partie en
pleurant), qui faisait partie d’un disque intitulé « Canto a la mujer de
mi pueblo » (je chante pour la femme de mon village).
Ça vous rappelle quelque
chose ? Et pour cause, en 1989, le groupe Kaoma, composé d’anciens
musiciens du groupe Touré Kunda, la reprend en portugais (sans l’accord de
l’auteur). Et ça donne « Chorando se foi », plus connu sous le titre
« Lambada ». Et voilà, un tube de l’été, une
danse sensuelle et scandaleuse.
Le groupe Kaoma est un melting
pot extraordinaire, puisqu’il est composé d’un bassiste originaire de la
Martinique, Chyco Dru (de son vrai nom Olivier Lorsac), Jacky Arconte,
guitariste guadeloupéen, Jean-Claude Bonnaventure au clavier, originaire de
Toulouse, Michel Abihssira, batterie et percussions (il est français mais son
nom sonne bien juif d’Afrique du Nord), Fania Niang, choriste sénégalaise et
ancien mannequin, Loalwa Braz Vieira, Monica Nogueira, chanteuses,
brésiliennes. Dans le clip, les deux enfants Chico et Roberta sont devenus
grands et Chico est prêtre et Roberta est vétérinaire.
Quand le succès de la lambada
est venu aux oreilles des véritables créateurs, il y a eu procès et
condamnation et récupération des droits d’auteur.
Loalwa Braz Vieira, la
chanteuse brésilienne du groupe Kaoma, avait ouvert une auberge pour touristes. Lors
d’un cambriolage qui a mal tourné, elle sera retrouvée carbonisée dans sa
voiture. Les trois auteurs du cambriolage ont été retrouvés. Un des auteurs
était le gardien de l’auberge...
Les essuie-glaces battaient la mesure...
Je voudrais écrire quelques
lignes sur une chanson mythique, “Me and Bobby McGee”. Quand j’aime une
chanson, j’y plonge, je cherche toutes les interprétations, j’essaye de
comprendre comment la chanson s’est construite etc.
La version la plus connue
est celle de Janis Joplin.
Elle tient sa célébrité bien entendu au talent de l’artiste, mais aussi au fait
qu’elle a été enregistrée quelques jours avant sa mort, et c’est donc un succès
posthume. Cette chanson reflète bien l’univers de Janis Joplin prônant la
liberté à tout prix et conduisant à la drogue et la non-insertion dans la
Société. Dire qu’on est libres n’est qu’une autre façon de dire qu’il ne nous reste plus rien à perdre. Mais faut-il
prendre tous les risques pour être libre, et perdre sa
santé et sa vie par la drogue ?
La chanson est co-écrite par
Kris Kristofferson. Il n’y a rien de surprenant à ce que Janis Joplin l’aie
chantée : elle était raide dingue de Kris, et ils ont eu une aventure tous
les deux. Comme Bobby est un prénom mixte, elle a pu même penser qu’elle avait
été écrite pour elle. Le problème pour leur histoire d’amour, c’est que autant
Janis Joplin était déjantée, autant Kris Kristofferson apparaît comme le « Monsieur
propre » de sa bande de musiciens de l’époque (Johnny Cash, Waylon
Jennings, Willie Nelson).
En plus de l’interprétation
de Janis Joplin, il faut pour bien entrer dans la chanson écouter « le point de vue de l’auteur ».
On peut en trouver pas mal, mais dans celle-ci il y a une bonne ambiance. Avec un tempo plus lent et sa voix profonde, on a l’impression d’écouter
une autre chanson. L’autre interprète qu’il faut écouter, c’est Willie Nelson. Le bonhomme a l’air
de sortir d’une maison de retraite pour acteurs de films western, mais il est très très bon...
La chanson est le fruit d’une
collaboration. Il est probable que ça soit Fred Foster qui ait écrit la musique
et qui ait demandé à Kris Kristofferson d’écrire des paroles. L’idée générale
était de raconter un voyage. Kris Kristofferson raconte qu’il a pensé au film « La
strada » de Federico Fellini. Dans le film, on retrouve deux
compagnons de route, un homme et une femme, et à un moment l’homme s’en va et
abandonne la fille.
One
day up near Salinas, Lord, I let her slip away
Lookin’ for the home I hope she’ll find
Lookin’ for the home I hope she’ll find
(Un
jour en remontant près de Salinas, mon dieu, je l’ai laissé filer
Elle était à la recherche de ce foyer que je lui souhaite de trouver)
Elle était à la recherche de ce foyer que je lui souhaite de trouver)
Les
deux faces de la liberté. Il était libre quand il a quitté cette fille mais ça l’a détruit. D’où la phrase “Freedom’s
just another word for nothing left to
lose”, la liberté, c’est juste une autre manière de dire qu’on n’a plus rien à perdre.
Il existe plus d’une
centaine de reprises. La première interprétation a été faite par Roger Miller. On retrouve tous les poids-lourds de la country music, Willie Nelson, Gordon
Lightfoot, Waylon Jennings, Johnny Cash, Dolly Parton, Joan Baez… Et même
d’autres que l’on est plus surpris d’entendre chanter cette chanson, comme Nana Mouskouri.
La construction musicale est
très classique, ça pousse tranquillement, simple et efficace. Ce qui fait que cette
chanson est exceptionnelle tient probablement à l’intrication des paroles et de
la musique. C’est cette alchimie qui fait les bonnes chansons. Le décor est
planté en deux lignes :
Busted flat in Baton Rouge,
waitin’ for a train
And I’s feelin’ near as faded as my jeans
And I’s feelin’ near as faded as my jeans
(Complètement fauchés à
Baton Rouge, attendant un train
Me sentant presque aussi fanée que mes jeans)
Me sentant presque aussi fanée que mes jeans)
Deux paumés pas loin d’une
gare. On aura plus tard la confirmation qu’il s’agit d’un couple, et pas de deux
amis comme dans les adaptations en français (aux ÉU, les “Train songs”, c’est
tout un univers). Ils sont pris en stop et chantent des chansons en s’accompagnant
d’un harmonica, en tapant dans les mains, et avec les essuie-glaces qui battent
la mesure.
On en arrive au refrain,
“Freedom’s just another word for nothin’ left to lose”. Il est probable que
Janis et Kris ne voyaient pas les choses de la même façon (les paroles chantées par l’une et
l’autre ont d’ailleurs quelques différences). Il y a deux autres lignes que je
garde bien précieusement, le côté de nostalgie du passé, d’un amour qui n’est
plus là :
But I’d trade all o’ my
tomorrows for one single yesterday
To be holdin’ Bobby’s body next to mine
To be holdin’ Bobby’s body next to mine
(Mais j'échangerais tous mes
lendemains contre un seul hier
Pour serrer le corps de Bobby contre le mien)
Pour serrer le corps de Bobby contre le mien)
Cette chanson continue d’intéresser la jeune génération, et
de nombreux chanteurs et chanteuses l’ont inscrite à leur répertoire. Alecia
Beth Moore, connue sous son nom d’artiste Pink (ou P!nk), Ima, Le Ann Rimes, Jennifer Love Hewitt…
On n’échappera pas aux
adaptations, il y en a deux en français, par Les compagnons de la chanson
et Johnny Hallyday. Rien
d’indispensable, et on passe à côté du sens à mon humble avis.
Un petit tour à la foire de Scarborough
Au départ était une chanson anglaise
(ça sonne un peu celte ou irlandais, c’est peut-être inspiré de ballades écossaises, mais c’est anglais) qui doit remonter au
XVIIIe siècle. Cette chanson a été relancée par Paul Simon et Arthur
Garfunkel dans leur disque “Parsley, sage, rosemary
and thyme” en 1966. Ils rajoutent des paroles au texte original. Je vous en
propose une version récente, “Scarborough fair”, par Celia Pavey. Le thème est un grand classique des chansons
d’amour, les défis de l’amour : le garçon demande à l’auditeur de demander à sa belle de réaliser des tâches impossibles.
Tell her to make me a cambric shirt
Parsley sage rosemary and thyme
Without no seams nor needle work
Then she’ll be a true love of mine
(Dis-lui de me façonner une chemise en batiste
Persil sauge romarin et thym
Sans couture ni aiguille
Alors elle sera mon véritable amour)
Mais également la notion
d’éloignement de son amour :
Remember me to one who lives there
She once was a true love of mine.
(Rappelle moi au bon souvenir de quelqu’un qui vit là
Elle fut autrefois mon véritable amour)
Un certain Robert Zimmerman s’en
inspire et fait en 1963 “Girl from the North country”. On y retrouve le
thème de l’être aimé qui est loin, mais pas les défis de l’amour. Et on
remarque dans les paroles :
Remember me to one who lives there.
She once was a true love of mine.
En 1966, Hugues Aufray l’adapte avec
Pierre Delanoë. En voici une version par Francis Cabrel et Jean-Jacques
Goldman, « La fille du Nord ».
N’oublie pas de donner le bonjour
À la fille qui fut mon amour.
Francis Cabrel, sous ses airs de
petit artisan de la chanson française, est un fan de musique anglo-saxonne, de
country... et de Bob Dylan. Il a d’ailleurs adapté plusieurs chansons de Bob
(et d’autres auteurs anglo-saxons). En 1980, il sort son disque « Fragile »
(avec entre autres à la guitare Georges Augier de Moussac, musicien qui a
collaboré avec Hugues Aufray). Dans ce disque figure « Si tu la croises un jour ». Eh bien, les similitudes avec “Girl
from the North country” sautent aux oreilles. Ça va de la technique du picking
à la guitare, aux paroles qui évoquent un amour qui est loin et à qui on veut
passer le bonjour, il y évoque les cheveux de sa belle, et ça se termine par
Dis-lui que pour elle je donnerais
Mon dernier souffle et même celui d’après...
À noter une adaptation de
Nana Mouskouri, « Chevrefeuille que tu es loin », en 1968.
Vivre, c’est s’adapter...
Bon, aujourd’hui, un opus spécial sur une de mes chansons fétiche... Une petite promenade musicale à la rencontre des adaptations (mais pas seulement)…
Il
était une fois un gamin né du côté de Chicago, dans une famille juive de la
classe moyenne. Le chemin normal pour lui, c’est l’université, et il y croise d’ailleurs
une certaine Hillary Rodham, qui sera plus connue plus tard sous son nom d’épouse,
Hillary Clinton. Mais il y a un problème : ce jeune homme aime la musique. Il
en joue (plutôt bien), il écrit des chansons, et il finit par abandonner ses
études pour se consacrer à la musique.
Ce
gamin, qui a grandi, c’est Steve Goodman. Il joue avec des amis, il joue seul,
il écrit des chansons qui s’inspirent de la vie de tous les jours, un voyage en train par
exemple. Ça devrait vous rappeler quelque chose. Le son n’est pas très propre,
la mousse du micro lui fait comme un nez de clown, mais la partie de guitare
est géniale. On dirait que la musique lui sort du ventre.
Un
jour, un ami lui suggère de présenter cette chanson à Arlo Guthrie. Quand je
parle d’Arlo Guthrie en France, personne ne connaît, pas plus que son père,
Woody Guthrie. Aux États-Unis, la chanson de Woody Guthrie “This land is your land”
est aussi connue que l’hymne national (et certains ont d’ailleurs suggéré d’en
faire l’hymne national).
La
rencontre entre Steve Goodman, quidam de la chanson, et Arlo Guthrie, qui s’était
déjà fait un prénom, se passe à Chicago. Arlo la raconte lors d’un concert, ça
se passe dans un bar. Un ami d’Arlo lui dit qu’il connaît quelqu’un qui
voudrait lui chanter une chanson. Arlo n’est pas très chaud, c’est après un
concert, il a envie de se détendre et il répond « qu’est-ce qui te fait penser
que j’aime les chansons ? Je hais les chansons ! ». Son ami insiste et
Arlo dit à Steve « paye-moi une bière, et tant que je ne l’ai pas terminée, tu
peux chanter ce que tu veux ». La version originale de l’histoire est ici.
Cette
chanson, chantée par Arlo Guthrie obtient un succès énorme. Elle marchait déjà
bien avec Steve Goodman, mais là ça marche vraiment fort. Bien souvent, on
attribue la paternité de la chanson à Arlo Guthrie, mais à chaque fois qu’il la
chante en public, il cite son auteur. Il en existe des dizaines de versions par
des dizaines d’interprètes. Si vous ne faites pas encore une indigestion à
cette chanson (vous l’aurez compris, c’est une de mes chansons fétiches), vous
pouvez écouter les versions de Willie Nelson, JudyCollins, John Denver, Johnny Cash…
Cette
chanson arrive aux oreilles de Joe Dassin, et elle lui plaît. À cette époque,
une des façons de faire des tubes, c’était de revenir des États-Unis, du
Royaume Uni ou d’ailleurs avec une pile de 45 tours, de les écouter à la
chaîne, de sentir le tube et de demander à un adaptateur de coller des paroles
en français dessus. C’est ce que fait Joe Dassin, il parle de cette chanson à
un de ses paroliers, Claude Lemesle (encore deux personnes qui se sont
rencontrées au Centre Américain à Paris). À cette époque, Claude Lemesle vient
de se séparer de Vava (c’est le surnom de Michèle Cherdel, elle a aussi eu une
histoire avec un des membres du Big Bazar de Michel Fugain, et elle est mêlée
de près à une affaire de pingouin judoka d’Alaska).
Claude Lemesle raconte des années plus tard qu’ils se sont pour ainsi dire séparés au restaurant, et que la serveuse qui les connaissait a dit en les voyant quitter le restaurant « Salut les amoureux ! ». Richelle Dassin, la sœur de Joe, a également participé à cette adaptation, et cette chanson faisait partie des chansons préférées de Joe.
L’essentiel de l’histoire est là, mais on pourrait y ajouter des épisodes. Par exemple, Roger Mason, encore un étasunien émigré en France qui fréquentait le Centre Américain, et encore un fameux guitariste, a fait une adaptation de “City of New Orleans”, avec des paroles beaucoup plus fidèles à la version originale, ça a donné « Le vieux train de la Louisiane ». Ça ne pouvait pas marcher, et ça n’a d’ailleurs pas marché... Ça sort cinq ans après une chanson qui a fait un tube, ça n’est pas une chanson d’amour un peu tristounette, et en France les trains n’ont pas la même symbolique qu’aux États-Unis.
Voilà, cette promenade ferroviaire s’achève... S’achève pour le moment, parce que les “train songs”, c’est un vaste sujet passionnant sur lequel je reviendrai probablement. On a dit de cette chanson “City of New Orleans” que c’était “a fucking good train song”. Ah, les trains et leur symbolique, et la place des “train songs” dans la chanson étazunienne… Quelques exemples, mais uniquement de chansons qui ont donné lieu à des adaptations :
“9 to 5”qui est le premier tube d’une belle écossaise, Sheena Easton, en 1980. La chanson sera adaptée par Michel Mallory pour Sylvie Vartan, « L’amour c’est comme une cigarette ».
“Hobo’s lullaby” (l’adaptation
est peu connue, « La berceuse du clochard », par Graeme Allwright).
“Freight train”, et son
adaptation par Joe Dassin
(il en a fait deux).
“Five hundred miles”. L’adaptation en français a été écrite par Jacque Plante et la version la plus connue est celle de Richard Anthony, mais d’autres l’ont également chanté, voici une petite surprise...
Vendredi 30 juin 2017
Un petit tour en Alabama avec Lynyrd Skynyrd...
Aujourd’hui, je vous parle d’un groupe qui sent un peu le soufre, mais il
faut se méfier des apparences. “Sweet home Alabama” est probablement la chanson la plus connue d’un groupe
au nom imprononçable, Lynyrd Skynyrd. Leur premier album évoque d’ailleurs la
prononciation puisqu’il s’intitule “(pronounced 'lĕh-'nérd 'skin-'nérd)”.
Ils venaient du Sud et le revendiquaient très fort, ils chantaient avec le drapeau des confédérés sur scène. Ils ont mélangé la country, le blues et le rock pour créer un genre nouveau, le rock sudiste. Ce que j’aime chez eux, c’est le son et la vie sur scène : ils jouent ensemble, ils se parlent et se répondent en musique.
La chanson est une réponse à deux chansons de Neil Young, “Southern man” et “Alabama” (paru dans l’album “Harvest” en 1972). Dans ces deux chansons, Neil Young critique le racisme qui régnait dans les états du Sud des États-Unis.
Hélas, quand le groupe commence à marcher fort, ils sont obligés de se déplacer en avion pour leurs tournées (au lieu du bus). Et l’avion s’écrase, tuant une partie des membres du groupe, des techniciens et autres membres de l’équipage (et les survivants sont gravement blessés).
La dispute avec Neil Young fut de courte durée, puisque Neil composera trois
chansons que le groupe aurait enregistré s’il n’y avait pas eu l’accident
d’avion. Et Neil Young chantera même “Sweet home Alabama” en concert en la
dédiant à « des amis qui sont au ciel ».
Cette chanson a été adaptée par Claude Moine, ici chantée par Jean-Philippe Smet et Claude Moine, « Cartes postales d’Alabama »… Il existe également une adaptation en espagnol (je devrais dire « en Castillan ») par Julián Hernández et chantée par le groupe Siniestro total.
Jeudi 29 juin 2017
Une histoire de lion.
Je l’avais annoncé, voici quelques lignes à propos d’un tube
interplanétaire, “Mbube”, ici dans sa version originale
en 1939 par son auteur, Solomon Linda, et son groupe The Evening Birds.
“Mbube”, en zoulou, c’est « le lion ». Ce morceau deviendra
rapidement un tube en Afrique du Sud, et son auteur ne sera rémunéré qu’une
misère uniquement pour l’avoir enregistré (et pas par la suite, malgré les lois
sur les droits d’auteur). Nous sommes en 1939, dans un petit studio
d’enregistrement en mono, un seul micro autour duquel se réunissaient tous les
chanteurs.
En 1952, Alan Lomax, musicologue, évoque ce titre avec son ami Pete Seeger, et celui-ci l’adopte et l’adapte sous le titre de “Wimoweh”, ici avec le groupe The Weavers. Pete Seeger chantait régulièrement cette chanson en public, en faisant chanter au public les différentes phrases musicales en simultané.
À l’époque, Pete Seeger pose la question de la rémunération de l’auteur, et on lui répond que les maisons de disques vont s’arranger entre elles. Il envoie un chèque à Solomon Linda, et c’est probablement la seule rémunération qu’il recevra. Solomon Linda mourra dans la misère.
L’industrie de la chanson étazunienne s’empare de ce morceau, fait écrire des nouvelles paroles (“The lion sleeps tonight”, paroles signées George Weiss). Dans les années soixante, de nombreuses versions dans de nombreuses langues vont voir le jour, la plus connue en France étant probablement celle chantée par Henri Salvador, « Le lion est mort ce soir ».
Comme vous le savez, les films Walt Disney ont également utilisé ce tube pour le film « Le roi lion ». Les filles de l’auteur ont fait un procès interminable avec de multiples rebondissements qui s’est terminé en leur faveur et a donné lieu à une (maigre) compensation financière. Et il ne s’agit que des droits d’auteur liés à la musique du film.
Au total, Solomon Linda, paysan analphabète, s’est fait rouler. Il est mort dans la misère à environ 50 ans, sa veuve n’avait pas de quoi lui payer une pierre tombale, mais il a fait chanter la Terre entière...
Mercredi 29 juin 2017
Pete Seeger, soixante-quinze ans de carrière !
Lundi 27 janvier 2014, Pete Seeger est mort, à l’âge vénérable de 94 ans.
J’ai peut-être raté quelque chose, mais je n’ai pas l’impression qu’on en ait
beaucoup parlé. Pete Seeger est né en 1919. Il a commencé sa carrière vers
1939, ce qui lui fait quand même 75 ans de carrière !
On ne peut pas dire qu’il soit connu en France, et pourtant tout le monde connaît “If I had a hammer” (co-écrite avec Lee Hays, un de ses compagnons des Weavers), reprise par Trini Lopez, et adaptée par Claude François, « Si j’avais un marteau ». Tout le monde connaît “Wimoweh”, que Pete Seeger et Alan Lomax ont importé d’Afrique du Sud, où cette chanson avait été écrite par Solomon Linda (titre original : « Mbube », en zoulou ça veut dire « lion »). Quelques années et quelques entourloupes plus tard, c’est devenu “The lion sleeps tonight”, et « Le lion est mort ce soir ». Et ça, c’est une autre histoire, qu’il faut que je raconte... Bientôt...
Pete Seeger, c’est aussi “Waist deep in the big muddy” (adapté en français par Graeme Allwright, « Jusqu’à la ceinture »). Ou encore “Where have all the flowers gone”, adapté en français par Guy Béart et chanté par Dalida (« Que sont devenues les fleurs », en 1962), adapté en allemand par Max Colpet, « Sagt mir wodie blumen sind », ici par Marlène Dietrich. Il existe aussi des versions russes, chèques, chinoises, croates...
Pete Seeger, c’est des centaines de chansons, contemporaines ou anciennes, des “protest songs”, des “work songs”, des negro spirituals (à ne pas confondre avec l’humour noir), du gospel... C’est un bon joueur de banjo (mais également de guitare, de piano, de flûte...). Pete Seeger, c’est un compagnon de route de Woody Guthrie. Encore un homme célèbre aux États-Unis et presque inconnu en France... Woody Guthrie, c’est l’auteur de la chanson “This land is your land”, une chanson aussi connue aux Étas-Unis que l’hymne “God bless America”.
Pete Seeger, c’est un de ceux des mouvements pour les droits civiques (avec Martin Luther King, Joan Baez, Harry Belafonte, Bob Dylan, et bien d’autres). Il a fait partie des opposants à la guerre du Vietnam, a écrit et/ou chanté des chansons de lutte, mais aussi des chansons de paix et d’amitié entre les peuples. Pete Seeger a également contribué à nous faire découvrir d’autres artistes, Joan Baez, Elizabeth Cotten, Tom Paxton et bien d’autres.
Il semblait indestructible, il chantait “If I had a hammer” et “This land is your land” à la Farmer Aid en septembre 2013, debout sur scène et s’accompagnant au banjo. On peut dire qu’il a eu une belle fin, puisqu’il était encore en pleine forme dix jours avant sa mort (capable de couper du bois d’après un proche), et qu’il est parti pendant son sommeil, entouré par les siens.
Il y a une chanson de son répertoire, pas la plus connue, que je trouve très belle, c’est “Quite early morning”.
Don’t you know it’s darkest before the dawn [...]
If we could heed these early warnings
The time is now quite early morning
(Savez-vous que juste avant l’aube, la nuit est très sombre [...]
Si nous pouvions percevoir les signes
Nous ne sommes pas loin du petit matin).
[...] And when these fingers can strum no longer
Hand the old banjo (ou “guitar”, dans certaines
versions) to young ones stronger
Et quand ces doigts ne pourront plus jouer
Refile la vieille guitare à des jeunes plus forts
Et quand ces doigts ne pourront plus jouer
Refile la vieille guitare à des jeunes plus forts
Son petit-fils, Tao Rodriguez-Seeger, est d’ailleurs chanteur et guitariste. Je voudrais dire un grand merci à Pete Seeger.
Mardi 27 juin 2017
Jim Croce, celui qui voulait mettre le temps en bouteille...
Je vous propose un petit tour dans l’univers de Jim Croce (prononcer « jime crotchi »).
C’est l’histoire d’un musicien et chanteur sympathique qui galère dans la
musique. Comme ça ne marche pas trop, il trouve un emploi de conducteur de
poids-lourds et continue à chanter dans des bars. Et sa carrière de musicien
finit par décoller. Il joue de la guitare et il chante, accompagné par un autre
guitariste, Maury Muehleisen.
Quelques-unes de ses chansons ont été adaptées pour Joe Dassin (encore...), c’est ce qui m’a fait découvrir cet artiste, en particulier “You don’t mess around with Jim”. Une histoire de dispute dans un billard... Adapté par Pierre Delanoë et Claude Lemesle pour Joe Dassin, ça a donné « Faut pas faire de la peine à John ». L’histoire a été transposée de la 42nd Street à Saint-Germain-des-Prés, et l’adaptation est plutôt fidèle à l’original.
Quand la carrière de Jim Croce commence réellement à décoller, l’avion dans lequel il était a raté son décollage, et il est mort avec son guitariste Maury Muehleisen et quatre autres personnes. Mais ses chansons nous sont restées, et plusieurs ont été utilisées comme musiques de film.
En me promenant dans les rues de Khao Lak (Thaïlande), entre la fin d’une croisière plongée et le retour en avion, j’ai eu la surprise d’entendre un Thaïlandais pur jus chanter Jim Croce (et jouer de la guitare, et le tout plutôt bien). Il s’agissait de “Time in a bottle”. C’est-y pas mignon ?
Jim Croce avait commencé à chanter dans plusieurs groupes, puis avait formé un duo avec celle qui allait devenir sa femme, Ingrid Jacobson. Il s’est converti au judaïsme pour l’épouser. Au départ, ils reprenaient des chansons de Joan Baez, Woody Guthrie et bien d’autres. Il a par la suite écrit ses textes et ses musiques. Il a écrit “Time in a bottle” quand sa femme lui a annoncé qu’elle attendait un enfant. Après la mort prématurée de Jim Croce, les paroles de cette chanson deviennent lourdes de sens :
If I could save time in a bottle
The first thing that I’d like to do
Is to save every day
Till eternity passes away
Just to spend them with you […]
But there never seems to be enough time
To do the things you want to do
(Si je pouvais garder le temps dans une bouteille
La première chose que j’aimerais faire
Serais de garder chaque jour
Jusqu’à ce que l’éternité se termine
Juste pour les passer avec toi
Mais il semblerait que l’on n’ait jamais assez de
temps
Pour faire les choses que l’on veut faire)
Lundi 26 juin 2017
La mer est immense, et la chanson aussi...
La chanson, c’est “The water is wide”. Parler de sa genèse serait un peu
long, mais on peut abréger en disant que c’est un morceau traditionnel écossais
(Scottish ballad) datant des années 1720. À l’époque, il avait un autre titre,
“Oh Waly, Waly, Gin Love Be Bonny”. La chanson vit sa vie, et un grand
bonhomme, Pete Seeger, la dépoussière dans le début des années cinquante.
Le thème abordé est des plus communs, l’Amour, ses défis, ses déboires et ses joies. Graeme Allwright en a fait une très jolie adaptation en français, « La mer est immense ». Ça sort en 1966, et l’introduction est jouée à la harpe celtique par un certain Alan Cochevelou qui deviendra plus connu sous le pseudonyme d’Alan Stivell.
Il en existe des centaines de versions. Je vous en propose quelques-unes :
— par Eva Cassidy (désolé, je n’ai pas de lien, mais tout ce qu’a fait Eva Cassidy vaut bien un coup d’oreille) ; très belle version, parce qu’elle renouvelle le morceau (pas facile de chanter un truc que tout le monde a chanté, et apporter quelque chose) ; à la place, je peux proposer un lien vers une chanson sœur, “Oh waly waly” ; cette chanson faisait partie des chansons préférées d’Eva Cassidy ;
— par James Taylor ; le
violon est bon, mais surtout la partie guitare est excellente ;
— par Karla Bonoff, version
très belle par sa simplicité ;
— ça n’est pas ma version préférée, mais ça
permet de parler d’un instrument qui semble né d’une union illicite, la harpe guitare (harp
guitar) ; si je vous dis que le final est grandiose, peut-être que vous
écouterez jusqu’au bout…
Dans les « produits dérivés », il y a également « La ballade Nord Irlandaise », chantée par Renaud et reprise par plein de gens. Et en anglais, “Dirty old town”.
Dimanche 25 juin 2017
Une chanson qui voyage des deux côtés de l’Atlantique.
L’histoire commence en 1979. Joe Dassin travaille avec un auteur compositeur
interprète, guitariste et harmoniciste, Tony Joe White. À cette époque, Joe
Dassin enregistre des titres très blues, country, qui lui correspondent très
bien. Un vrai retour aux sources pour celui qui était un peu considéré comme un
amuseur. Il songe à conquérir le public des États-Unis.
Joe Dassin reprend “Polk salad Annie”, le tube de Tony Joe White. Il demande à ses paroliers, Pierre Delanoë et Claude Lemesle, de lui écrire des adaptations. “High sherif of Calhoun Parrish” devient « La fille du shérif » (la vidéo n’est pas terrible, c’est probablement un faux direct et un vrai play-back). “The change” devient « La saison du blues », “Lustful Earl and the married woman” devient « Joe Macho ». Tony Joe participe aux enregistrements, à la guitare ou à l’harmonica. Joe Dassin enregistre également les chansons en version originale, par exemple “High sheriff of Calhoun Parrish”.
Dans la même veine, le même style, Joe Dassin compose une musique sur un texte de Claude Lemesle, « Le marché aux puces ». Le sujet est classique, un amour qui n’en finit pas de finir :
Notre lit n’est qu’un lieu où nos corps se reposent
On est presque content de partir le matin
Et nos vies se sont faites à leur métamorphose
Ell’s n’étaient pas grand-chose, ell’s n’ont plus
l’air de rien
Ça sonne pas mal. Tony Joe White décide de l’adapter en anglais, et ça donne “The guitar don’t lie”. Ça n’est pas une traduction, mais on reste dans l’ambiance. Et c’est vraiment bon.
Des années plus tard, Johnny Hallyday découvre ce titre et demande à Étienne Roda-Gil de lui écrire des paroles en français. Et ça donne « La guitare fait mal ». Sur cette vidéo, on voit deux choses, que Johnny a de bons musiciens, et qu’il est probable que ce qu’il joue à la guitare ne soit pas retransmis pendant le concert (et tant mieux). Ça sort en 1991, mais il en existe une bonne version à Bercy avec Luther Allison à la guitare (et lui aussi, il est bon).
Voili voilà, j’ai trouvé cette histoire de chanson en français adaptée en anglais puis réadaptée en français assez amusante. Si vous aimez cette ambiance, tout le disque “Blue country” de Joe Dassin, sorti en 1979, vaut le coup d’oreille.
Samedi 24 juin 2017
Ça date de 1923, et ça n’a pas pris une ride.
La chanson, c’est “Nobody knows you when you’re down and out”. C’est écrit
par Jimmy Cox, en 1923. Ça évoque l’époque de la prohibition, où les fortunes
se faisaient et se défaisaient aussi vite, et où l’on passait du statut de
millionnaire à pauvre en une nuit. Cette chanson explose avec Bessie Smith en
1929, et ça colle tout à fait avec les problèmes de la grande crise. Mais cette chanson n’a
pas d’époque, elle évoque une vérité intemporelle :
Quand vous
êtes tout en haut, vos amis savent qui vous êtes. Quand vous êtes au fond, vous
savez qui sont vos amis.
Ou en version anglaise :
When you’re
up, your friends know who you are. When you’re down, you know who your friends
are.
Quand tu amènes l’apéro, tu as plein d’amis. Mais combien t’aident à nettoyer l’évier dans lequel tu as vomi ? ;-) Ma fille me dit « celui qui te tiens les cheveux pendant que tu vomis, c’est ton vrai ami »...
Il en existe à ma connaissance deux adaptations en français, une par et pour Hugues Aufray, « Personne te connaît quand tu tombes dans le trou » (je n’ai pas trouvé de vidéo), dans son disque Caravane en 1981. C’est plutôt bien fait, mais je n’accroche pas au son. Dans un autre style, Nino Ferrer l’adapte en 1967 (sur le 45 T de « Le téléphon »), ça donne « Le millionnaire ». C’est pas mal, ça montre encore une fois que Nino Ferrer savait tout faire.
Parmi les innombrables versions, il y a celle de Colette Magny, une grande dame française du blues. Colette Magny chantait ça dans les années soixante. Elle n’a pas eu la carrière qu’elle méritait, trop atypique, pas vraiment un canon de la beauté, et chantant des chansons engagées (mais quelle idée de chanter des chansons à texte ?).
Entre États-Unis et France, une très bonne interprétation du plus français des étazuniens, Joe Dassin. C’est plutôt bon, on pourrait dire que « ça tient la root », et ça montre (pour ceux qui l’ignoreraient encore) que Joe Dassin aussi savait faire pas mal de choses. Les plus grands se sont intéressés à ce titre, j’aime bien la version de Eric Clapton. Et enfin, une version qui me laisse sans voix ;-) (et non, le morceau n’est pas de Bessie Smith, mais de Jimmy Cox).
Et pour preuve que c’est une chanson indémodable, même des djeunes s’intéressent à ce titre, Katie Melua, ou Sara Niemietz, ici avec deux (bons) guitaristes, Snuffy Walden et Marty Schwartz.
Vendredi 23 juin 2017
Un morceau de musique témoin d’un morceau d’histoire.
Les chansons peuvent être le témoin d’un morceau de l’histoire d’un pays. Un
morceau de musique devient un morceau d’histoire... La chanson, c'est “Sixteen
tons”, écrite par Merle Travis en 1946. Je vous propose la version des Platters,
parce que c’est bon, et aussi parce que le tempo est lent.
J’aime beaucoup ces chansons qui racontent une histoire, et qui sont le témoin de faits de société. À cette époque, les mineurs étaient payés en grande partie en bons d’achats valables dans les magasins des compagnies minières (le “truck system”, et le “debt slavery”). Ces compagnies disposaient également de logements pour les mineurs, et de dispensaires. Bref, le mineur était prisonnier, la mine vivait en circuit fermé.
Autre pratique totalement ahurissante, lors d’une grève de mineurs, les patrons de la mine avaient conclu un accord avec les « zotorités » pour qu’on fasse travailler des forçats dans les mines, cassant ainsi la grève (les forçats étaient loués à l’État). Il y a eu des affrontements violents, et des mineurs ont aidé les prisonniers à s’évader. Cette histoire est connue sous le nom de “Coal Creek rebellion”, et elle est racontée par Pete Seeger, avec les chansons qui vont avec ici.
Je vous propose une version un peu différente, par The Weavers, groupe mythique des années 1948 à 1958 (mais ils ont fait quelques “come back”). Le “lead vocal” est tenu par Fred Hellerman, également guitariste du groupe. Mais les quatre chantent, Ronnie Gilbert soprano, Lee Hays basse, et Pete Seeger, encore lui (et il joue du banjo).
Cette chanson a été adaptée en 1956 en français par Jacques Larue pour Jean Bertola, chanteur français qui a eu une petite carrière de chanteur, pianiste, auteur-compositeur, mais qui est surtout connu pour avoir chanté les inédits de Brassens. Eddy Mitchell lui redonne une jeunesse en 2009 dans son disque « Grand écran ». Ce disque propose des reprises et adaptations de musiques de film, en l’occurrence “Joe versus the volcano”.
Hélas, on ne retrouve pas la puissance du texte en anglais dans l’adaptation. Elle ne rend pas compte de la situation sociale :
St. Peter don’cha call me, cause I can’t go
I owe my soul to the company store
(Saint-Pierre, ne m’appelle pas parce que je ne
peux pas venir,
Je dois mon âme au magasin de la Compagnie)
Et surtout elle ne rend pas compte de la violence avec laquelle se décrit le mineur (le père de Merle Travis était mineur).
Fightin’ and trouble are my middle name
(Bagarre et Problème sont mes prénoms) […]
If you see me comin’ better step aside
A lotta men didn’t, a lotta men died
One fist of iron, the other of steel
If the right one don’t git ya, then the left one
will
(Si tu me vois venir, change de trottoir,
Beaucoup ne l’ont pas fait et beaucoup sont morts.
Un de mes poings est en fer, l’autre en acier,
Si le gauche ne te chope pas, alors le droit le
fera)
Jeudi 22 juin 2017
Dis-lui que c’est une question de feeling pour toi...
L’histoire commence en 1956 avec Louis Gasté, ou Loulou pour les intimes, et
également connu pour avoir été l’époux de Jacqueline Enté, plus connue sous le
pseudonyme de Line Renaud. Pour la musique d’un film (« Le feu aux
poudres »), Louis Gasté écrit une chanson, « Pour toi », chantée par Dario
Moreno.
En 1974, Maurício Alberto Kaiserman, plus connu sous le pseudonyme de Moris Albert, enregistre “Feelings”, qui devient rapidement un tube interplanétaire. Je ne vais pas citer les centaines de versions, mais je vous propose celle associant un géant de la guitare avec la Grande dame du jazz (ou en version originale “The first lady of song”), Ella Fitzgerald et Joe Pass.
En 1975, Moshé Brand (plus connu sous le pseudonyme de Mike Brant) en enregistre une adaptation en français, « Dis-lui ». Ça va donner lieu à un succès énorme, amplifié par le fait que ça fait partie des dernières chansons enregistrées par Mike Brant (et donc un succès posthume pour l’artiste).
Louis Gasté fera un procès pour qu’on lui reconnaisse la paternité de ce
morceau, procès qui durera une dizaine d’années, et il obtiendra gain de cause.
Moris Albert n’a jamais remboursé les droits d’auteur, et il a disparu des
écrans radar. Il y a peu de procès en plagiat musical qui aboutissent. Un autre
exemple célèbre est celui d’un morceau composé par un africain du Sud zoulou.
Mais ça, c’est une autre histoire...
Finalement aprés avoir écouté la version de PP&Mary je trouve que l'adaptation de RA n'est pas si mal...
RépondreSupprimerTonton...
J’ai cherché et j’ai trouvé à quoi tu fais référence, il s’agit de “500 miles” par Peter, Paul and Mary, et son adaptation (par Jacques Plante) pour Richard Anthony.
RépondreSupprimerPour la version originale, je te propose d’écouter Joan Baez, à ses débuts (vers 1960) :
https://www.youtube.com/watch?v=B_K6z3HiRAs
Elle raconte lors d’un concert qu’elle a appris cette chanson par un de ses groupes de chanteurs préférés, Peter, Paul and Mary.
En version française, voici une petite surprise :
https://www.youtube.com/watch?v=AWUMq-Rp4v8
Yves
Mars 2020
RépondreSupprimerNouvelle contribution d'Yves confiné en Thaïlande....
Voilà une chronique musicale qui n’est pas sur le site. C’est juste un brouillon, il faut que je l’améliore.
C’est une vielle chanson de Tom Waits.
https://m.youtube.com/watch?v=yr5UXosLKao
Ol’ 55, Tom Waits, 1973. Il en existe pas mal de reprises, la plus connue est celle des Eagles en 1974.
Au début, je pensais que c’était juste une histoire de promenade en voiture. Ensuite, je me suis dit que c’était un gars qui au soir de sa vie décide que son dernier voyage se ferait en voiture. Puis je me suis demandé si ça n’était pas son enterrement que la chanson décrivait.
J’ai eu la réponse en écoutant le point de vue de l’auteur : c’est un type qui a une vieille Cadillac de 1955 et la boîte de vitesses est bloquée en marche arrière. Et il conduit sur la file des véhicules lents en marche arrière sur l’autoroute.
Il raconte l’histoire ici :
https://m.youtube.com/watch?v=UhOz1INqOcg